Daphné Swân, l’électro sensible et lucide
Publié le 23 décembre 2025|

Il y a chez Daphné Swân un mélange d’intensité et de retenue. Fin 2025, elle assurait la première partie de Daran à L’Étoile de Mouvaux, invitée par La Cave aux Poètes : une boucle artistique qui se referme, puisque Daran a réalisé son premier album Eecloo. Mais ce soir-là, c’est une nouvelle Daphné qui s’est imposée : plus électro, plus frontale, portée par un univers bien affirmé.
Bio express
- 2015 : Rencontre avec Laurene Vatier, future bassiste et partenaire musicale, au sein d’un groupe de rock.
- 2021 : Participation aux Rencontres d’Astaffort, rencontre déterminante avec Daran qui réalisera son premier album.
- 2022 : Echange culturel à Québec, participation au Festival de Petite-Vallée, découverte de la scène canadienne francophone et de sa liberté artistique.
- 2023 : Sortie de son premier album, Eecloo, repéré par Radio France.
- 2026 : Sortie de son deuxième album Index, à découvrir au printemps.
Le fil rouge de cette transformation s’appelle Totem, premier single de son prochain EP Index. Tourné dans une église abandonnée, au cœur d’une forêt vietnamienne, le clip transpose sur images ce que la chanson porte déjà en elle : un dialogue entre grandeur et fragilité. Deux figures s’y répondent. La femme en rouge, hautaine, presque apocalyptique, défiant le spectateur au milieu des ruines. Et l’être de la forêt, plus sincère, qui se laisse traverser par le mouvement, la terre, le souffle de la nature. Entre verticalité des arbres, couleurs flamboyantes, et architecture brisée, le clip interroge la place de chacun dans le monde.
Cette tension trouve son origine dans les Rencontres d’Astaffort, où Totem est née. Daphné commence alors un projet de bluesgrass avec deux artistes qui la relèguent en marge. Les formateurs l’exfiltrent pour lui offrir un nouveau cadre. Seule dans un studio, elle joue son violon « comme une guitare ». Pour le texte, l’artiste Tioma, qui signait à l’époque chez Bigflo & Oli, lui apporte sa plume. Ils s’inspirent d’un chef amérindien expliquant que la figure la plus importante d’un totem n’est pas celle du sommet, contrairement à ce qu’on pourrait supposer, mais bien celle de la base, celle qui soutient tout. Le soir-même, lors de la présentation du morceau, les autres stagiaires, captivés, montent sur scène avec elle pour ajouter des chœurs. Une chanson née d’une place en marge devient un chant de rassemblement.
L’esthétique électro qui enveloppe aujourd’hui Totem confirme un virage déjà amorcé. Massive Attack, Radiohead période Kid A, les sons des années 90 : autant d’influences qui traversent sa musique. Dans l’EP Index, chaque morceau est « contaminé » par ce nouveau souffle, offrant à l’ensemble une cohérence parfaite.
Les musiques creusent un sillon : remettre en question la hiérarchie, la visibilité, la hype, la figure du « roi ». Les paroles « Pas de couronne, pas de roi » présentes dans son titre Totem prolongent un engagement déjà présent dans Tous quelqu’un, morceau de son premier album. Il interroge la façon dont la popularité ou les effets de mode créent des classements entre les gens. C’est aussi une manière de rendre hommage à ce qui est essentiel, à celles et ceux que l’on oublie souvent, comme on l’a constaté durant les confinements. Le mouvement « no kings » aux Etats-Unis l’a marquée. Elle le résume d’un sourire : « les petits chefs, ça suffit ! » Chacun mérite d’être reconnu, car nous sommes tous quelqu’un. Daphné Swân le dit sans détour : « Il faut regarder la noirceur en face, pour pouvoir avancer. » Lucidité, oui, mais dans un mouvement qui cherche l’espoir et l’élan collectif.
Ancienne avocate, elle bascule vers la musique à la suite de deux événements déterminants : un semestre passé à Hanoï et les attentats du Bataclan. Au Vietnam, loin de ses repères, elle réalise que le droit n’est pas son véritable axe de vie : « La musique prenait toute la place. » Soutenue par ses proches, elle quitte alors la profession. Daphné veut se sentir plus utile au monde qui l’entoure. L’ARA (Autour des Rythmes Actuels) devient sa nouvelle maison. Elle y suit d’abord une formation en MAO (Musique Assistée par Ordinateur), puis un atelier rap pour muscler son écriture. Elle y découvre un nouveau terrain : un brassage social rare et des rencontres fondatrices.
Aujourd’hui, ses musiques naissent dans le mouvement : un mot noté en marchant, une phrase enregistrée sur son téléphone dans le tram. Pianiste d’origine, elle compose principalement à partir du logiciel Ableton, et utilise parfois le violon. Depuis septembre dernier, elle partage la scène avec Laurene Vatier, bassiste et chanteuse, sa « meilleure partenaire musicale ».
Installée à Roubaix depuis près de dix ans, elle se reconnaît dans l’énergie alternative de la ville, ses réseaux. La suite ? Elle sort un nouveau single fin janvier – cette fois autour de l’identité – avant la sortie officielle de son EP Index prévue pour le printemps 2026.
Une certitude : « On n’a pas d’autre choix que d’être vrai. » Chez Daphné Swân, cette vérité s’écoute, se voit et se ressent.
Coups de cœur
- La Cave aux Poètes « C’est le cœur musical de Roubaix. Je n’ai jamais vu un endroit qui ressemble à celui-là. »
- Le Rivoli « Les nappes à carreaux, le patron un personnage, les frites maison… Ça ressemble à un bouchon lyonnais à Roubaix. Un lieu authentique. »
- L’ARA « Toutes les générations, tous les styles, tous les parcours s’y croisent. J’y ai rencontré un de mes meilleurs amis il y a dix ans. »
Crédit Photos : Anais Gadeau, service Communication, ville de Roubaix






