Roubaix ancre la mémoire dans l’espace public
Publié le 23 mai 2025|

Une cérémonie sobre et émouvante s’est tenue à Roubaix le 22 mai 2025. Plusieurs Stolpersteine ont été posés par l’association LILLE FIVES 1942. Ces pavés rendent hommage à la famille de Lili Keller-Rosenberg , dite Lili Leignel, roubaisienne déportée pendant la Seconde Guerre mondiale. Leur mémoire refait aujourd’hui surface dans l’espace public.
Entourée d’élus, d’élèves et de membres d’associations, la cérémonie s’est ouverte dans une atmosphère chargée d’émotion. « Honorée de votre présence, sur le sol même de votre ville », a déclaré Guillaume Delbar, maire de Roubaix à Lili Keller-Rosenberg, rescapée des camps de concentration, présente lors de la pose des Stolpersteine dédiés à sa famille. Ces pavés dorés, placés devant leur dernier domicile roubaisien, deviennent désormais un lieu de mémoire permanent.
Les Stolpersteine, œuvres de l’artiste allemand Gunter Demnig, sont bien plus que de simples pavés : ils racontent l’histoire de personnes persécutées – leur nom, leur date de naissance et leur destin sont gravés dans le métal et dans la pierre, visibles de tous, dans l’espace public.
Histoire de la famille Rosenberg
Lili Leignel, ou Lili Keller-Rosenberg, est née le 15 septembre 1932 à Croix, d’une famille d’ascendance juive hongroise qui avait fui les persécutions antisémites en Hongrie.
Lors de la Seconde guerre mondiale, elle et ses frères (Robert et André) sont cachés dans différentes familles de Tourcoing jusqu’en 1943 avant de revenir vivre avec leurs parents (Charlotte et Joseph), pensant le danger écarté. Le 27 octobre 1943, la famille est raflée dans la maison au 42 boulevard d’Armentières. Elle n’est alors âgée que de 11 ans, son frère Robert de 9 ans et demi et son autre frère André 3 ans et demi. Ils sont alors transférés de la prison de Loos, à la prison Saint-Gilles de Bruxelles, au Camp de rassemblement de Malines.
La famille y est séparée : le père est envoyé à Buchenwald, la mère et ses trois enfants sont transférés à Ravensbrück puis, au début de 1945, à Bergen-Belsen. Ils seront libérés par l’armée britannique, le 15 avril 1945, les trois enfants sont rapatriés jusqu’à Paris. Les enfants sont pris en charge par leur tante. Ils retrouveront ensuite leur mère, vivante mais très affaiblie par le typhus, et apprendront que leur père a été fusillé en avril 1945 à Buchenwald.
Les élèves de l’école Voltaire-Diderot ont lu la biographie de la famille, préparée dans le cadre d’un travail pédagogique sur la mémoire. Très émue par leur engagement, Lili Leignel, figure de la mémoire, a déclaré, « Un grand jour, un grand honneur. Je suis si fière de cette cérémonie que personne n’oubliera jamais. » Elle a aussi rappelé l’urgence de la transmission, « […] J’ai compris qu’il fallait en parler constamment. Plus jamais cela… » Et dans un message porteur d’espoir, elle a ajouté, « Un jour viendra […] après moi, d’autres répandront la bonne nouvelle. Il faut de la tolérance. C’est ce qui fait que je témoigne sans fin. Avec cette cérémonie, on n’oubliera plus jamais », a confié Lili, très émue.
À travers cette pierre, c’est la mémoire d’une famille, d’une ville, et de toutes les victimes oubliées de l’Histoire qui ressurgit et s’inscrit, pour toujours, dans le paysage roubaisien.
Une fresque dans son école d’enfance
Dans les archives de l’école Voltaire, où elle était rentrée à l’âge de 6 ans, les enseignants ont laissé, en juillet 1943, une appréciation à propos de la jeune Lili Rosenberg : « Bonne enfant, disciplinée, assez douée« . Quelques mois plus tard, elle était arrêtée et déportée, avec toute sa famille.
80 ans plus tard, c’est dans son école d’enfance que Lily était honorée par une fresque réalisée par Renaud Louchard, dévoilée devant le corps enseignants et les jeunes élèves qui lui avaient réservé une surprise en réinterprétant la chanson « Comme toi » de Jean-Jacques Goldman. La mémoire que Lili veut transmettre inlassablement à ses « petits messagers », est désormais inscrite dans le sol et sur les murs des lieux de son enfance, à Roubaix.
Crédit Photos : Lucas Demoor, service Communication, ville de Roubaix