Un jeu d’antan

La bourle, c’est un jeu traditionnel du Nord, cousin lointain de la boule flamande. On y lance des disques de bois (les bourles) sur une piste légèrement incurvée, pour les approcher le plus possible d’un petit but appelé l’« étaque ». Mais l’art est tout entier dans la maîtrise de la courbe : il faut doser la force, anticiper les rebonds, jouer avec la pente. C’est un jeu d’adresse, de patience et de camaraderie !

Autrefois, Roubaix comptait plus d’une vingtaine de bourloires. Elles se trouvaient au fond des estaminets, dans les cours d’usine ou derrière les cercles paroissiaux. Chaque quartier avait la sienne, et les dimanches après-midi voyaient s’affronter les cercles Saint-Vincent, Saint-Joseph, ou encore Saint-Christophe. La pratique, profondément ancrée dans la sociabilité ouvrière, a peu à peu disparu avec la fermeture des cafés et la transformation du tissu urbain.

La dernière piste de Roubaix

Aujourd’hui, la Bourloire Saint-Rédempteur est la seule à témoigner de cette époque. Affiliée à la Fédération des bourles du Nord, elle accueille encore quelques passionnés qui se retrouvent chaque semaine autour de la piste.

La salle, modeste mais soignée, a gardé son charme : piste en bouse de vache séchée, rives en bois, fosses aux extrémités (les culs). La piste mesure environ vingt mètres de long, avec cette légère concavité typique qui donne tout son sel au jeu.

« C’est plus qu’un sport, c’est une mémoire », confie Jean-Claude, joueur depuis plus de trente ans. « Ici, on vient pour rigoler, pour se souvenir aussi. »

Un esprit de camaraderie intact

Au Saint-Rédempteur, la bourle est d’abord une affaire de famille et d’amitié. Les parties se déroulent dans une ambiance bon enfant, ponctuées de conseils malicieux et de vannes fraternelles. Le cercle n’a plus la fréquentation d’autrefois, mais il garde une vie authentique. Certains week-ends, des tournois amicaux sont encore organisés. La fédération veille à maintenir un calendrier.

Un patrimoine populaire à transmettre

Inscrite dans l’inventaire du patrimoine culturel immatériel régional, la bourle flamande fait partie de ces traditions qui racontent le Nord autrement : un mélange d’ingéniosité, de convivialité et d’esprit collectif.

À Roubaix, la piste du Saint-Rédempteur incarne cette résistance du temps. Elle témoigne de la vitalité d’un quartier, de la passion d’une poignée d’irréductibles, et du lien toujours fort entre la ville et sa culture ouvrière.