ALICE GAHUNGA DURAND : L’art du métissage
Publié le 2 janvier 2017|
Roubaisienne depuis presque 10 ans, Alice Gahunga Durand est comme tous les artistes : un peu « à part ». Son truc à elle, c'est la récup'. Tout ce qui lui tombe sous la main se transforme en peinture, en bijoux ou encore en objets de déco. Rencontre avec une artiste engagée au parcours poignant.
Entre deux salons, Alice nous reçoit chez elle à Roubaix au coeur du quartier Trichon. L’œil rieur, le sourire jusqu’aux oreilles, la jeune créatrice est une optimiste, ça se voit et ça se sent. « Je prends la vie comme elle vient. J’essaie de profiter de chaque instant » confirme-t-elle. Née au Rwanda, Alice a pourtant traversé des épreuves difficiles. Elle quitte son pays natal en 1993 en pleine guerre civile. « Je suis partie juste à temps ». Un an plus tard, le génocide rwandais emporte 800 000 personnes. Parmi elles, sa maman et de nombreux proches. Après quelques années passées en Lorraine dans la famille de son époux, elle rejoint le nord de la France pour le travail. Alice achète une maison à Roubaix, « un peu par hasard ». « Lille n’était pas dans mes budgets » plaisante-t-elle.
Culturellement parlant, Roubaix est une ville épatante qui évolue à une vitesse folle.
Prête à l’envol
10 ans plus tard, l’artiste ne regrette rien. Bien au contraire. « Culturellement parlant, Roubaix est une ville épatante qui évolue à une vitesse folle. Dans 3/4 ans, je l’imagine foisonnante comme le Vieux-Lille ». Alice projette d’ailleurs d’y installer son activité. « Je travaille à la mairie de Lille mais je viens de prendre une disponibilité pour me donner toutes les chances de vivre de mes créations. Mes oeuvres commencent à être exposées un peu partout. Je reviens de la Foire Internationale de l’Art Contemporain, j’ai participé il y a quelques semaines à la Semaine africaine de l’Unesco. Je me suis engagée également dans le collectif Business Art… Quelques pièces ont été exposées à Washington ! Il faut que je passe un cap. Dans la vie, il y a ceux qui prennent le train et ceux qui le regardent passer ».
Le métissage en toile de fond
Mais que fait-elle au juste ? Alice est une artiste complète. Peintre abstraite, elle crée également des bijoux et des objets de décoration avec toujours en toile de fond : le Rwanda. Ses oeuvres évoquent le métissage, l’interculturalité et la richesse que peut susciter la rencontre de cultures différentes. « On s’enrichit toujours de l’autre. J’aime le mélange ». Ses peintures foisonnent de références à son pays d’origine. Alice s’inspire de l’art Imigongo, un art ancestral rwandais produit par des femmes, constitué de panneaux peints de motifs géométriques colorés ou en noir et blanc, réalisés à base de terre. Mais au-delà de ces références, Alice est avant tout une artiste engagée. « Notre planète est un bien précieux. En Afrique, l’écologie est un réel enjeu, ça n’est un secret pour personne. A travers mes créations, je veux sensibiliser. Si nous ne respectons pas ce qui nous entoure, nous courons à la catastrophe ».
Une artiste zéro déchet !
Ainsi pour créer, l’artiste récupère tout ce qu’elle trouve. Elle fabrique des colliers avec des journaux et des papiers destinés à être jetés. « Je roule des petits bouts de papier pour créer des formes. Les gens sont étonnés, ils pensent souvent qu’il s’agit de perles. Je récupère aussi des boutons, des morceaux de métal, tout ce que j’ai sous la main en réalité ». Une artiste zéro déchet en d’autres termes ! « Que Roubaix s’engage dans cette voie me rend très fière. Cela me donne d’autant plus envie de contribuer à son développement ». A la recherche d’un emplacement, Alice souhaite ouvrir un café-galerie dans lequel elle exposerait ses œuvres mais aussi celles de femmes, africaines ou non, qui comme elle prônent haut et fort l’artisanat. Elle imagine également créer des ateliers auprès de jeunes et de personnes âgées. Sa devise ? La beauté nous entoure, elle se cache dans les yeux de celui qui regarde…
SON COUP DE COEUR
Maisons de Mode
Souvent en déplacement, Alice avoue ne pas connaître SA ville comme elle le voudrait. Néanmoins, le quartier des Modes et le Vestiaire près de la Piscine trouvent un écho tout particulier. « C’est un lieu qui a du sens. Que cet ancien fief textile puisse aujourd’hui donner la possibilité à des créateurs de dévoiler leur savoir-faire et vendre leurs créations, je trouve ça sensationnel. Cela manque encore de passage mais je suis sûre que dans quelques années, les lieux prendront une ampleur considérable. »