A (re)découvrir : une cartographie du matrimoine roubaisien !
Publié le 8 mars 2021|
La Journée Internationale des Droits des Femmes, ce 8 mars 2021, offre l'occasion de mettre en lumière un travail minutieux initié à Roubaix dans la continuité du rapport 2018 sur l’égalité entre les hommes et les femmes.
Du latin mater, la mère, le matrimoine désigne l’héritage des mères. Créé sur le même modèle que le « patrimoine », ce mot désigne comme lui le souvenir des créations du passé…et se concentre sur les réalisations de femmes. Contrairement à une croyance commune, il ne s’agit pas d’un terme né des mouvements féministes ! Le mot existe depuis le Moyen Âge !!! Transformée, oubliée puis effacée, la notion de matrimoine refait surface depuis quelques dizaines d’années.
En mettant en avant la mémoire des femmes, le matrimoine inscrit en effet les femmes dans l’histoire artistique, culturelle et sociale, mais aussi éducative, sportive, ouvrière et politique d’une ville. Mettre en avant le matrimoine permet de montrer une société constituée d’un héritage commun, mixte et égalitaire.
Le matrimoine roubaisien
Isabeau de Roubaix, Marguerite Boucicaut, Dame Thècle, Danielle Lessafre, Hélène Boucher, Madame de Sévigné, Viviane Romance, Rosa Parks, Thérèse Constans, Marie Buisine, Simone Veil, Rosa Bonheur, Léonie Vanhoutte, Assia Djebar, Camille Claudel… Ces noms de femmes ornent les rues et équipements de Roubaix. Leurs histoires sont partagées lors d’inauguration ou de manifestations ponctuelles, ou donnent lieu à des projets dans les établissements scolaires ou les associations. L’histoire de Roubaix est riche aussi de femmes engagées dans la vie citoyenne et la militance… Anne Sophie Danjou, Valentine Lagache, Marguerite Nollet, Laure Dubar, Agnès Delepaut ou encore Germaine Avet Coghe, Suzanne Mitault et Madeleine Héribel Bompais, Justes parmi les Nations, et qui ont fait l’histoire de la société roubaisienne. L’histoire de Roubaix est enfin celle des ouvrières d’usines, des enseignantes, des tailleuses et modistes dont parfois seuls des noms ou des photographies nous sont parvenus.
Une cartographie du matrimoine roubaisien
La réalisation d’un cheminement autour de ces figures dans la ville donne l’occasion à tous et toutes de les découvrir ou de les redécouvrir. Ce parcours sur les « Femmes de Roubaix » est aussi l’occasion de revenir sur les oubliées de l’histoire roubaisienne….
Ce travail fut initié, dans la continuité du rapport 2018 sur l’égalité entre les hommes et les femmes par Clara Le Guyader, alors étudiante en Master « Management des Institutions Culturelles » de SciencesPo Lille, et s’est inscrit dans la préparation des Journées Européennes du Patrimoine 2019, ce sujet du « matrimoine » en constituant sur Roubaix la thématique locale. Ce travail a reposé sur des données recueillies dans les Archives municipales et dans les publications de la Société d’Emulation de Roubaix, les ouvrages sur les « Rues de Roubaix », ou le Bulletin historique, en particulier le numéro 37, de mars 2002, reprenant une conférence sur « La femme dans l’histoire de Roubaix ».
Ces données furent complétées par un travail avec les associations, œuvrant dans le champ de la citoyenneté et du droit des femmes, ce qui a permis d’ajouter de nouveaux noms à cette liste, autour de parcours de femmes auxquelles les membres des associations s’identifient. A ce titre, les quelques dizaines de structures culturelles et associatives qui ont participé sur ce thème aux JEP 2019 ont à cette occasion assurer un rôle de médiation majeur. A titre d’illustration, furent ainsi présentés par la compagnie de l’Oiseau-Mouche, un parcours ludique et décalé mettant en scène les femmes oubliées à travers une visite guidée festive des lieux emblématiques de Roubaix, au temple de l’Eglise protestante, l’exposition « Femmes d’espérance, femmes d’exception, un « hommage à Manou » au Non-lieu, à la Maison du projet de la lainière, l’exposition « Les femmes dans le textile »par les Amis de la Lainière et du Textile ou encore à l’église Saint Michel, la présentation de l’exposition Et si on parlait des femmes, …
Ce travail se poursuit au sein de la mission « Médiation », dans le cadre de la mise en œuvre de la politique municipale pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes sur le territoire de Roubaix, en lien avec la mission « Ville d’art et d’histoire » de la Direction de la Culture. Chloé Hoguais, étudiante en Master « Culture et Communication », à l’Université de Lille, a repris et complété les recherches, pour construire un outil qui comprend désormais des notices biographiques complètes.
L’ensemble des données ont été compilées et consolidées dans le Portail Cartographique de la Ville de Roubaix. L’intégration au SIG (Système d’Information Géographique) a permis la cartographie des données, une mise en ligne d’une application accessible à tous et une facilité de mise à jour de ces données. Le SIG permet également une mise en ligne en temps réel sur le Portail Open Data de la Ville de Roubaix.
Des histoires oubliées
Nous citions en introduction quelques femmes reconnues Justes parmi les Nations, aux côtés d’autres Roubaisiens que sont Léon Coghe et Marcel Pasche. Leurs histoires ouvrent sur celles des Juifs et Tziganes de Roubaix. Dans le livre qu’elle leur consacre, l’historienne Monique Heedebaut[1] rappelle que les rafles des Tsiganes dans le Nord se sont concentrées sur la métropole lilloise, le Douaisis et l’Avesnois. La plus importante eut lieu à Roubaix, les 24 et 25 novembre 1943, à quatre heures du matin, dans les courées où les familles s’étaient regroupées et sédentarisées dans l’urgence, après qu’un décret du 6 avril 1940, eut interdit la circulation des nomades pendant toute la durée de la guerre. 65 Tsiganes ont été arrêtés, 34 rue du Chemin de Fer, 60 rue Pierre de Roubaix, 111bis rue de France, 62, 70, 80 et 239 rue Edouard Anseele. Des 352 Tsiganes de Nord-Pas-de-Calais et de Belgique, qui partirent le 15 janvier 1944 du camp de Malines (Belgique) à destination d’Auschwitz, par le « Convoi Z » – la lettre faisant référence au mot Zigeuner, Tsigane en allemand, seuls 32 revinrent des camps, 21 hommes et 13 femmes. Deux d’entre elles revinrent à Roubaix, qui sont présentées dans cette cartographie, Gervaise Schmitt et sa mère Marie-Madeleine Vinstretin. L’histoire des Juifs de Roubaix durant la Seconde Guerre mondiale est plus complexe. Les travaux de Danielle Delmaire[2] montrent que la présence juive est documentée à Roubaix dans le courant du XIXe siècle, avec l’installation de familles venues de Moselle et d’Alsace, rejointes entre les deux guerres mondiales par des familles venues d’Europe de l’Est. Une cinquantaine de familles forme une communauté vivante, avec fréquentation de la synagogue et des mouvements de scouts pour les plus jeunes. A l’annonce de l’invasion de la Belgique, certaines familles juives participent à l’exode général et s’installent en ce qui était appelée la zone « non occupée ». Le recensement de 1942 montre qu’il ne reste que 68 Juifs à Roubaix La grande rafle des Juifs qui décima les communautés du Nord et du Pas-de-Calais eut lieu le 11 septembre 1942 ; 513 personnes furent déportées vers Auschwitz via Malines. Des personnes se mobilisèrent dès qu’ils eurent connaissance de la rafle, pour cacher des enfants ou des adultes, ou pour les soustraire, du train de la déportation sur le quai même d’embarquement, acte de courage des cheminots de la gare de Lille-Fives. Un travail est mené par les historiennes et historiens depuis de longues années pour faire connaitre les histoires des celles et ceux qui furent reconnus Juste parmi les Nations, et dont l’histoire est illustrée ici par les notices relatives à Germaine Avet Coghe, Suzanne Heribel Mitault et Madeleine Heribel Bompais. D’autres arrestations suivront, comme en témoigne l’histoire de Flore Raby. A l’automne 1943, sont arrêtés les Juifs originaires des pays alliés de l’Allemagne, comme la Hongrie et la Turquie; lesquels sont également déportés par un autre « Convoi Z ».
Des perspectives…
Progressivement, par la diffusion de ce travail dans les établissements scolaires, les associations ou à l’occasion de toute autre manifestation, l’objectif est aussi, outre de valoriser cet apport des femmes à la société roubaisienne, de montrer des « possibles » grâce à des figures inspirantes pour les jeunes générations.
Pour toute information complémentaire : Véronique Mattoy, 3 3246 par le 03 20 66 46 00, vmattoy@ville-roubaix.fr et Muriel Chochois, 03 20 66 49 11, mchochois@ville-roubaix.fr.